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C'est l'histoire d'une vie de toutes les couleurs. C'est l'histoire d'un amour de douleur. C'est le temps de quelques joies et bonheur. C'est le temps de quelques hésitations et terreurs.

Melissa : chapitre 4

Anthony est en équilibre sur une chaise, dont le bois noir, vieilli par les ans, présente des craquelures et des échardes. La pointe de ses pieds repose sur coussin bordeaux qui recouvre le reste de paille jaunâtre  afin de cacher tant bien que mal les trous. Anthony essaie de couvrir le grand velux qui lui sert d'ouverture sur le monde. Il fait trop chaud à Paris en ce mois de Juillet. Sous les toits, la chaleur est encore plus étouffante. Elle fait apparaître des flaques d’eau irréelles sur le bitume, chauffe à blanc les moindres parcelles de verre et de métal. Cet air étouffant et pollué rend la gorge sèche et râpeuse, comprime les cerveaux surchauffés des citadins.

 

Afin d’alléger ses tourments, il a trouvé chez la concierge un vieux velours noir, miteux dont les trous laissent passer la lumière et la chaleur. Il entreprend de le fixer avec des punaises, peut-être cela limitera-t-il les effets pervers de cette canicule. Après maints efforts, en bon équilibriste, manquant à chaque instant de tomber sur les multiples objets qui encombrent sa chambre, il réussi à épingler ce bout de tissu. Il descend précautionneusement de son perchoir branlant et prend du recul- enfin disons un mètre- pour observer l’effet engendré. Sa petite chambre est encore plus noire que d’habitude. Elle semble plus petite comme se tassant sur elle-même rendant l’air plus étouffant et plus angoissant. Malgré tout quelques rais de lumière passent au travers des trous dans le velours miteux. Des poussières y dansent lentement comme pour y chanter un ballet funèbre. Anthony cligne des yeux et sent la sueur qui trace des sillons sur son visage, son torse et le long de ces bras. Désespéré de  limiter la montée en température de ça petite chambre, il part prendre la troisième douche de la journée, ce qui le laisse tout à ses pensées.

 

Cette année, il est resté seul à Paris. Ses potes sont tous partis en vacances. Ils lui ont dit qu'il fallait en profiter, qu'à la rentrée entre l'internat et le cours, ils n'auraient plus le temps de rien faire. Alors suivant l’insouciance de tous les étudiants de paris et leur philosophie, ils ont cherché la meilleure destination pour oublier l’année d’étude difficile. « IBIZA », songe Anthony pendant que l’eau ruisselle sur son visage surchauffé.

« Ils ne pouvaient aller autre part… »

 

Ils ont insistés jusqu'au dernier moment pour qu'Anthony les accompagne, mais il n'avait pas envie de se perdre dans ces folies. Il ne se voyait pas danser au milieu de tous ces inconnus collés ensemble, dans des rapprochements audacieux, à moitié dénudé. Il se dit que ce n'est pas normal, de ne pas rêver d’un tel voyage au soleil, de vacances faites de danses, de rire, d’alcool et de drague. Ses potes, eux, ne s’embarrassent pas de considérations morales ou autres.  Ils boivent plus que de raison dans les soirées, ont tous une ou plusieurs copines. Lui, non, il est seul. Ils ont insisté pourtant, jusqu'à l'aéroport, au moment même de l’embarquement. Anthony a failli céder. Il ne sait pas trop s'il regrette, mais loin de ses potes et de Sébastien, il se sent seul. Il n'y a rien à faire ici, Paris meure un peu quand les parisiens s'en vont. Il est bien allé voir quelques expos, dont une fascinante sur des corps humains apprêtés de telle façon que l'on voyait leur organes parfaitement conservés et même les vaisseaux sanguins!! Mais, personne n’est présent pour commenter l'expo avec lui et il rentre toujours seul et déprimé, errant parfois dans les rues de la capitale, cherchant un regard amical, un sourire.

 

L'été promet d'être long, il voit comme en filagramme les jours s’étirer devant ses yeux avant la grande rentrée d’octobre. Il écoute son cœur se plaindre de temps de solitude et d’ennui. Il cherche dans sa mémoire quand il a bien pu être réellement heureux, la dernière fois. Il ne trouve pas. Aucun souvenir ne semble lui permettre d’évacuer cette tristesse qui habite son regard même lorsqu’il rit. Lors à défaut, tant bien que mal, avant de se passer la corde au cou, il conclu qu’il vaut mieux une activité même triste que rien.  Il décide ainsi d’écumer les hôpitaux de Paris comme on va de bar en bar, dans l'espoir de trouver, sinon un travail, un Stage. Au moins,  cela l'occupera et l'éloignera peut-être de ses cauchemars qui reviennent.

 

Celui de la nuit dernière, était particulièrement éprouvant. Il regarde ses mains. Mains d'un enfant de dix ans, elles sont couvertes de sang, à coté de lui se trouve un couteau. Il reconnaît la moquette grise délavée de la chambre de ses parents, les cendres de cigarettes, les emballages de biscuits et les bouteilles de vin vides laissées par son père. Elle est recouverte de sang. Il lève son regard voit le papier peint, recouvert de fleur au rose fané sur un fond jaunâtre. Il aperçoit la couverture blanc-marron roulée en boule sur le lit. Il y attarde son regard et constate la présence de tâches rouge vermeil, puis, subitement comme sortie tout droit d’un film d’horreur, il aperçoit sa mère allongée sur le lit. Elle est couverte de rouge vermillon, des plaies béantes sur la poitrine et l'abdomen. Il court à elle, se jette au pied du lit, caresse son visage frénétiquement et commence à sangloter, en répétant: "ne meurs pas maman, ne meurs pas maman…" Sa mère ouvre alors les yeux et expire : "pourquoi mon fils, pourquoi?" Tony pleure de plus belle, lui disant qu'il ne le voulait pas, qu'il n'a pas fait exprès, mais c'est trop tard, elle est morte.

 

Tony entend alors la voix de son père « Qu’as-tu encore fait ? Tu n’es pas mon fils ! Ce n’est pas possible !! Mon gosse ne pourrait pas faire ça !

-J’étais sur que ta mère avait ouvert ses cuisses pour un autre quand je l’ai découverte pleine !!

-D’façon, y’a que ma ceinture que tu comprennes ! Ramènes tes sales fesses ici ! » 

 

Il ouvre toujours les yeux à ce moment là, sursautant, regardant la petite chambre qui lui fait office de foyer, trempé de sueur, le cœur battant la chamade, la peur au ventre et sanglotant comme l'enfant qu'il était. Parfois, il appelle même sa mère. Pourtant il sait bien qu'elle ne viendra pas.

 

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