C'est l'histoire d'une vie de toutes les couleurs. C'est l'histoire d'un amour de douleur. C'est le temps de quelques joies et bonheur. C'est le temps de quelques hésitations et terreurs.
Melissa va fêter ses 18 ans. Elle vient de finir les épreuves du BAC Scientifique. Tout semble la conduire à la réussite. Elle est seule devant sont lycée gris, entourée d’immeubles gris, ocre datant des années d’après guerre. Tout respire la pauvreté et la morosité. Le ciel semble participer à la tristesse ambiante, un gris neutre, une chaleur légèrement étouffante, il fait bon en ce mois de juin.
Elle regarde de ses yeux clairs, la route qui passe devant le lycée, grise aussi, anthracite peut-être ; les pauvres herbes éparses qui poussent jaunâtres sur le trottoir d’en face. Elle remarque l’absence de fleurs. Ces fleurs qu’elle aime tant. Les roses surtout ! C’est classique, elle le sait. Dommage, elle aimerait être plus originale pour une jeune fille qui cherche à se forger. Pourtant, elles sont belles ces roses, de toutes les teintes de l’arc-en-ciel…Enfin presque. Elle préfère celles aux nuances de violet et les pourpres, rouge sang, couleur de vie.
Elle se retourne. Elle voit son reflet dans la vitre de l’abri bus. Pas mal. Enfin, elle se dit pour se rassurer qu’il y a pire qu’elle. Cheveux châtains, long, très longs. Elle en est fière. Ils lui arrivent aux reins. Elle en a mis du temps pour leur donner cette longueur et cette texture soyeuse. Elle regarde ses yeux, c’est sont petit trésor, des yeux bleus-gris qui laissent transparaître une pointe de violet lorsque le temps est au beau. Des pommettes hautes. Elle les doit à sa mère, d’origine autrichienne et slave. Une taille fine, grâce au régime yaourt et fruits. Et….c’est tout. Elle n’est pas très grande et ne se trouve rien de spéciale.
Après cet examen, elle soupire et s’assoit sur le banc poussiéreux de l’abri pour attendre sa mère. Elle écoute le silence. Cherche le souffle doux d’un vent qui lui murmure ses rêves et emporte ses prières. Elle se sent vide et étrangère à elle-même. Les épreuves sont terminées. Plus de révisions, plus d’heures de travail acharnées en perspective. Que va-t-elle faire, en attendant la rentée scolaire? Ah, non ce n’est plus ça mais une rentrée Universitaire…elle rit nerveusement en sentant des émotions douloureuses effleurer ses pensées. Elle aimerait parfois ne pas réfléchir, ne rien entendre de son cœur qui s’agite, mais aujourd’hui, elle ne peut fuir. Elle repense à ces années lycées. Mélange bons et mauvais souvenirs comme un film en avance rapide, et observe tel un spectateur impuissant ce qu’elle voit comme une ruine encore fumante de douleurs, d’échecs, d’angoisses, de trahisons et de rancœurs. Elle s’encourage en se répétant, « j’ai passé mon BAC, j’ai passé mon BAC, j’ai passé mon BAC… ». Cela ne fonctionne qu’à demi. Elle tend l’oreille, peut-être le Vent la guidera. Le Silence est total. Cette absence pesante la tourne vers son avenir et son passé. Tout devient flou, jusqu’à ce qu’elle réalise être à un tournant de sa vie. Il va lui falloir tourner une page. Tourner une page ou fermer un livre ?
Elle se sent à une charnière de sa vie. Elle part à l’Université, au cœur de ses rêves, de ses curiosités et besoins de nouvelles connaissances. Mais…Elle n’est pas prête, si petite dans son cœur, si fragile, comme ces fleurs qu’elle aime tant. Elle a peur de devenir adulte, d’assumer ce que cela implique. Perdre son innocence ? Se fermer au rire vrai ? À la joie ? Peur de ne pas être forte.
Elle se souvient de sa petite main tenant le petit doigt de son père lors de ballades. Une main si grande, si forte, rêche de travail et d’effort. Elle aimait cette main, qui la tenait, appartenant à un papa, tuant les méchants, protégeant sa fille. Elle voit sa mère sortant toujours un nouveau gâteau du four, embaumant la cuisine. Une maman soignant les égratignures avec un pansement et un bisou.
Elle soupire de nouveau. Elle va quitter le cocon familial. C’est comme partir à l’aventure et cela la remplit de joie. Mais c’est aussi se jeter dans le vide, courir les bras ouverts vers l’inconnu. Elle a peur. Elle sent sa mâchoire se crisper, ses muscles se contracter, à faire mal. Elle n’est plus sûre de vouloir obtenir ce diplôme. Elle aimerait rester cette charmante enfant que l’on dit si sage, si gentille, au regard bleu, si doux. Pourtant, elle sait que la jeune fille au même regard, bouillonne de vie, d’amour, d’espoir, de rêves ; de colère aussi.
Est-ce normal de se sentir si mûre et si jeune ? Est-ce….
« Melissa ?!... »
Elle regarde la voiture arrêtée, contemple sa mère, détachée, insensible. Elle soupire encore, un long soupir tout en douceur. Elle est comme ça, elle ne se fait pas remarquer. Elle chasse ses sombres pensées d’un geste vif de la main et, avance d’un pas hésitant vers la Ford familiale.