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22 février 2012 3 22 /02 /février /2012 15:26

Anthony est en équilibre sur une chaise, dont le bois noir, vieilli par les ans, présente des craquelures et des échardes. La pointe de ses pieds repose sur coussin bordeaux qui recouvre le reste de paille jaunâtre  afin de cacher tant bien que mal les trous. Anthony essaie de couvrir le grand velux qui lui sert d'ouverture sur le monde. Il fait trop chaud à Paris en ce mois de Juillet. Sous les toits, la chaleur est encore plus étouffante. Elle fait apparaître des flaques d’eau irréelles sur le bitume, chauffe à blanc les moindres parcelles de verre et de métal. Cet air étouffant et pollué rend la gorge sèche et râpeuse, comprime les cerveaux surchauffés des citadins.

 

Afin d’alléger ses tourments, il a trouvé chez la concierge un vieux velours noir, miteux dont les trous laissent passer la lumière et la chaleur. Il entreprend de le fixer avec des punaises, peut-être cela limitera-t-il les effets pervers de cette canicule. Après maints efforts, en bon équilibriste, manquant à chaque instant de tomber sur les multiples objets qui encombrent sa chambre, il réussi à épingler ce bout de tissu. Il descend précautionneusement de son perchoir branlant et prend du recul- enfin disons un mètre- pour observer l’effet engendré. Sa petite chambre est encore plus noire que d’habitude. Elle semble plus petite comme se tassant sur elle-même rendant l’air plus étouffant et plus angoissant. Malgré tout quelques rais de lumière passent au travers des trous dans le velours miteux. Des poussières y dansent lentement comme pour y chanter un ballet funèbre. Anthony cligne des yeux et sent la sueur qui trace des sillons sur son visage, son torse et le long de ces bras. Désespéré de  limiter la montée en température de ça petite chambre, il part prendre la troisième douche de la journée, ce qui le laisse tout à ses pensées.

 

Cette année, il est resté seul à Paris. Ses potes sont tous partis en vacances. Ils lui ont dit qu'il fallait en profiter, qu'à la rentrée entre l'internat et le cours, ils n'auraient plus le temps de rien faire. Alors suivant l’insouciance de tous les étudiants de paris et leur philosophie, ils ont cherché la meilleure destination pour oublier l’année d’étude difficile. « IBIZA », songe Anthony pendant que l’eau ruisselle sur son visage surchauffé.

« Ils ne pouvaient aller autre part… »

 

Ils ont insistés jusqu'au dernier moment pour qu'Anthony les accompagne, mais il n'avait pas envie de se perdre dans ces folies. Il ne se voyait pas danser au milieu de tous ces inconnus collés ensemble, dans des rapprochements audacieux, à moitié dénudé. Il se dit que ce n'est pas normal, de ne pas rêver d’un tel voyage au soleil, de vacances faites de danses, de rire, d’alcool et de drague. Ses potes, eux, ne s’embarrassent pas de considérations morales ou autres.  Ils boivent plus que de raison dans les soirées, ont tous une ou plusieurs copines. Lui, non, il est seul. Ils ont insisté pourtant, jusqu'à l'aéroport, au moment même de l’embarquement. Anthony a failli céder. Il ne sait pas trop s'il regrette, mais loin de ses potes et de Sébastien, il se sent seul. Il n'y a rien à faire ici, Paris meure un peu quand les parisiens s'en vont. Il est bien allé voir quelques expos, dont une fascinante sur des corps humains apprêtés de telle façon que l'on voyait leur organes parfaitement conservés et même les vaisseaux sanguins!! Mais, personne n’est présent pour commenter l'expo avec lui et il rentre toujours seul et déprimé, errant parfois dans les rues de la capitale, cherchant un regard amical, un sourire.

 

L'été promet d'être long, il voit comme en filagramme les jours s’étirer devant ses yeux avant la grande rentrée d’octobre. Il écoute son cœur se plaindre de temps de solitude et d’ennui. Il cherche dans sa mémoire quand il a bien pu être réellement heureux, la dernière fois. Il ne trouve pas. Aucun souvenir ne semble lui permettre d’évacuer cette tristesse qui habite son regard même lorsqu’il rit. Lors à défaut, tant bien que mal, avant de se passer la corde au cou, il conclu qu’il vaut mieux une activité même triste que rien.  Il décide ainsi d’écumer les hôpitaux de Paris comme on va de bar en bar, dans l'espoir de trouver, sinon un travail, un Stage. Au moins,  cela l'occupera et l'éloignera peut-être de ses cauchemars qui reviennent.

 

Celui de la nuit dernière, était particulièrement éprouvant. Il regarde ses mains. Mains d'un enfant de dix ans, elles sont couvertes de sang, à coté de lui se trouve un couteau. Il reconnaît la moquette grise délavée de la chambre de ses parents, les cendres de cigarettes, les emballages de biscuits et les bouteilles de vin vides laissées par son père. Elle est recouverte de sang. Il lève son regard voit le papier peint, recouvert de fleur au rose fané sur un fond jaunâtre. Il aperçoit la couverture blanc-marron roulée en boule sur le lit. Il y attarde son regard et constate la présence de tâches rouge vermeil, puis, subitement comme sortie tout droit d’un film d’horreur, il aperçoit sa mère allongée sur le lit. Elle est couverte de rouge vermillon, des plaies béantes sur la poitrine et l'abdomen. Il court à elle, se jette au pied du lit, caresse son visage frénétiquement et commence à sangloter, en répétant: "ne meurs pas maman, ne meurs pas maman…" Sa mère ouvre alors les yeux et expire : "pourquoi mon fils, pourquoi?" Tony pleure de plus belle, lui disant qu'il ne le voulait pas, qu'il n'a pas fait exprès, mais c'est trop tard, elle est morte.

 

Tony entend alors la voix de son père « Qu’as-tu encore fait ? Tu n’es pas mon fils ! Ce n’est pas possible !! Mon gosse ne pourrait pas faire ça !

-J’étais sur que ta mère avait ouvert ses cuisses pour un autre quand je l’ai découverte pleine !!

-D’façon, y’a que ma ceinture que tu comprennes ! Ramènes tes sales fesses ici ! » 

 

Il ouvre toujours les yeux à ce moment là, sursautant, regardant la petite chambre qui lui fait office de foyer, trempé de sueur, le cœur battant la chamade, la peur au ventre et sanglotant comme l'enfant qu'il était. Parfois, il appelle même sa mère. Pourtant il sait bien qu'elle ne viendra pas.

 

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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 10:43

Melissa se laisse bercer par le rythme tranquille de la voiture. Elle ne prête pas attention aux cahots de la route qui la soulève parfois légèrement de son siège. Elle regarde le paysage défiler à travers la vitre, de la vieille Ford grise. Un champ passe sous ses yeux, comme si c'était lui qui courait vers un but inconnu et non elle qui fonce vers son destin. Elle admire le vert des feuilles de chêne, leur forme originale, les bouleaux qui s'élèvent haut et dont l'écorce claire, lui rappelle des cendres. Elle s'émerveille devant les fleurs éparses qui s’épanouissent sans ordre dans les champs : de beaux coquelicots rouges, des charmants bleuets, et même parfois les naïves marguerites.

Elle a envie d’aller flâner à la faveur du soir, dans la fraîcheur des sous-bois, de cueillir et d’apprêter un bouquet embaumé aux couleurs chamarrées. Elle soupire. Pour le moment, loin de la sérénité qu'elle aimerait ressentir une boule lui noue le ventre. La voiture avance, coure, file vers le lycée. C'est aujourd'hui les résultats attendus par des milliers de bacheliers. Melissa préférerait se cacher au cœur de la forêt, entre les racines d’un arbre centenaire, se blottir contre son écorce douce et rêche, fermer les yeux, écouter le bruissement du vent dans les feuilles, les oiseaux chanter, sentir le soleil chauffer doucement sa peau et les milliers de parfums dégagés par la nature environnante. Oublier ainsi, ses douleurs, ses pleurs et ses espoirs. Oublier d’exister. Être juste en harmonie avec la Force Vivante. Elle se voit déjà là-bas, ferme doucement les yeux en sentant une douceur et un apaisement la gagner.

"Melissa!! Tu dors?" Appelle brusquement sa mère.

Elle ouvre lentement les yeux, prenant conscience du même coup qu’ils étaient clos. Elle papillonne de cils cherchant à reprendre pieds  avec la réalité et, évidement, son nœud d'angoisse. Sa mère lui jette à nouveau un coup d'œil et lui dit d'un ton joyeux:

"Ce n'est pas le moment de dormir!! Voyons nous allons enfin savoir si tes efforts ont trouvé leur récompense. N'es-tu donc pas excitée?

-non, maman, je préfère rêver au calme et au silence des hommes.

-Toujours la tête, dans les étoiles et dans tes livres pour illuminés !! Je ne comprends vraiment pas pourquoi tu as choisi la filière scientifique, tu lis sans cesse, ton nez collé à des bouquins qui ne servent qu’à se torturer l’esprit !"

« Voilà, C’est toujours la même chose » se dit Melissa. C’est pour cette raison que les gens, adolescents, adultes, hommes, femmes semblent si peu la comprendre. Seuls les enfants avec leur innocence, leur douceur et leur joie pure semble concevoir ce qu’elle ressent.

 Un pied dans les sciences, un autre dans les livres et les bras dans la spiritualité, voilà ses ambivalences. Ils l'a croient paradoxale, adolescente cherchant sa voie, un peu trop protégée dans cette campagne loin des mégalopoles. Mais elle, elle sait qu'elle est complète en connaissant les trois.

"-Maman, nous n'allons pas recommencer cette conversation. Que t'importe ce que je fais de mes loisirs si mes notes suivent? "Dit-elle d'un ton un peu froid.

"Certes, certes, mais je crains qu'un jour tu te retrouves tiraillée entre ton métier et tes passions. Dans la vie, nous n'avons pas le temps de tout faire. Il faut choisir ma fille! Et bien choisir, car nos avons rarement une deuxième chance. Dit-elle d'un ton un peu docte. Cela ne sert à rien de s’éparpiller. Tous ces intérêts contradictoires ne t’amèneront que confusions. En plus, tu ne pourras jamais rien finir.

-Oui, je sais "répond Melissa qui commence à s'agacer, en espérant ainsi obtenir un peu de silence et de paix. Cependant, le mal est fait. Son regard devient triste. Combien de fois a-t-elle entendu ce discours? Et pourtant qu'elle que soit sa réponse, gentille, en colère, neutre, sa mère y revient toujours. Ne peut-elle la laisser tranquille? Avec ses rêves et ses espoirs? Les adultes sont trop obtus, pleins de préjugés et d’aigreur nés des déceptions se dit-elle.  Elle repense à un livre qu'elle a commencé à lire. Le monde de sophie. Dans l'histoire, la jeune fille demande à sa mère s'il est normal de vivre et la mère répond par l’affirmative. La jeune fille comprend alors que les adultes ne sont pas capables de sortir de leurs préjugés et qu’ils vivent dans un monde transformé par leurs illusions.

C'est pareil avec sa mère, retranchée dans ses idées, elle ne conçoit pas que l'on puisse vivre autrement. Tout à ses pensées Melissa n’a pas senti le silence pesant qui s'est abattu dans l'habitacle.

 Elle aperçoit enfin les grilles du lycée. La voiture à peine stoppée, elle ouvre la portière et saute comme si elle était pourchassée.  Elle aperçoit alors son amie sur le bord gauche de la grille du lycée et coure la rejoindre. Elle l'attend en sautillant sur place. Zoé est souvent en train de s'agiter. Elle parle avec de grands gestes, sautille quand elle est heureuse ou excitée. Elle rigole tout le temps, d'un rien, d'un papillon qui se pose sur sa main, d'une tache sur le pull-over d'un professeur et même d'une mauvaise note. Melissa se dit que son amie voit la vie en arc-en-ciel, toujours joyeuse. Elle tourne les soucis en dérision, et prend la vie avec légèreté. En plus, avec ces cheveux blonds roux, coupés au carré, de grands yeux en amande comme une asiatique, d'un brun doré, et une taille si fine qu'elle peut encore mettre des pantalons d'enfants, elle attire tous les regards. Aujourd'hui, elle porte un pantacourt moulant blanc et des sandales à talons fins roses. Evidement, elle l’a assorti d’un chemisier rose, assez échancré pour faire rêver les garçons. Elle s'habille si bien. Melissa se demande, une fois de plus quel sens inné lui permet d'avoir si bon goût, quand Zoé crie:

"Que faisais-tu? Je t'attends depuis 30min! Ils ont déjà affiché les résultats.

-Attends ma mère gare la voiture. Tu n'es pas stressée?

-Non pourquoi? Répond Zoé avec un grand sourire,

- le soleil brille, nous sommes en vacances! La vie est belle!"

Ah c'est bien, son expression favorite se dit Melissa, dubitative sur l'état de son moral et, sur la véracité de cette expression. Cela renvoi Melissa à cette gaieté naturelle et aux nombreuses fois ou Zoé l’a utilisé. Son copain l’a quitté et malgré la peine dans ses yeux se jour là, elle avait encore cette expression aux lèvres : « il ne sert à rien de s’appesantir, plein de choses merveilleuses m’attendent ! La vie est belle ! « 

"Melissa?!...Encoooooore dans les nuages! Mais ce n’est pas possible, redescends sur terre ma chérie! Ah je vois ta mère arriver!

-Tu fais quoi après?

-Euh…Je ne sais pas répond Melissa, se méfiant déjà de se retrouver dans des soirées, dont Zoé à le secret. Pleine de bruit, de gens agités et d’opression.

-Bon c'est très bien! Trépigne son amie.

-Ce soir tu viens chez moi, on fait la fête!"

Sa mère arrive à cet instant, la sauvant d'un embarras certain. Elle adore Zoé, mais son besoin de solitude la rattrape souvent.

"-Bonjour, Madame Tovosky,

-Bonjour Zoé. Comment vas-tu? Tu es allée voir les résultats?  Dit sa mère quelques peu essoufflée.

-Non pas encore, je vous attendais, on y va?" et voilà Zoé partie sans même attendre une réponse.

Melissa n'ose pas courir et avance sagement aux cotés de sa mère. Il leur faut traverser la cour de devant, grise, entrer dans le bâtiment principal dont les murs sont peint en blanc grisé. Elle regarde tout autour d'elle comme si elle allait mourir demain, les bâtiments, les couloirs, les tables d'écolier éparses qu'elle connaît si bien et qu'elle ne reverra peut-être plus. D'un pas silencieux et lent, elle suit les flèches, indiquant le lieu des résultats, quand elle entend soudain un brouhaha monstrueux. "Aaah nous y voilà" se dit-elle. Elle demande à sa mère de rester en retrait, commence à se frayer un chemin vers les grandes feuilles blanches collées au mur, tout en cherchant du regard son amie. Elle n'aime pas qu'on affiche les résultats aux vues de tous, elle préférerait être dans sa chambre au rythme des symphonies de Beethoven, à ouvrir une lettre annonçant la nouvelle.

Elle finit par repérer Zoé devant la feuille des non admis. Une angoisse plus forte encore la prend et elle bouscule, donne des coups de coude pour passer et arriver jusqu'à son amie. Melissa lui agrippe l'épaule comme un homme à la mer s’agrippe à une bouée. Celle-ci se retourne avec un grand sourire.

"On est pas sur la liste!! Ça veut dire qu'au pire on passe au rattrapage!"

Melissa la regarde, perplexe. Elle n'aurait pas pensé à regarder cette feuille d'abord. Elles poussent alors sans ménagement les autres, pour regarder les autres listes. Melissa lâche brusquement un énorme soupir de soulagement. Elle vient de voir son nom. Elle a le BAC, et le mieux….sa tête lui tourne, elle n'y croit pas, regarde et regarde encore l'intitulé de la liste: Mention Bien!! Et quelques noms en dessous se trouve celui de Zoé. Elles ont la même mention! Melissa redoutait qu'une ait de meilleurs résultats, elle craignait qu'apparaisse un peu de jalousie entre elles.

Elle se dit que ça y'est cette fois, elle part à l'Université. À Paris. La grande capitale. Cela lui fait peur. Va-t-elle s'en sortir? Il va falloir trouver un logement, se nourrir, apprendre à vivre seule! Ces réflexions sont interrompues par un saut prodigieux de Zoé qui lui atterri dans les bras et les fait tomber toutes les deux à terre. Pliée de rire, Melissa se dit que finalement, elle a bien mérité sa fête ce soir. Elles se relèvent hilares, et partent main dans la main.

 

Bon, après tout, l'été pourrait être heureux.

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10 février 2012 5 10 /02 /février /2012 14:19


place_st_michel_paris_s.jpgIl se promène dans les rues de Saint-Michel, comme on marche à la guillotine. Les yeux dans le vague, ne regardant, ni ses pieds, ni la fameuse fontaine à sa droite, rendez vous favori des jeunes parisiens et des étudiants. Elle est pourtant belle cette fontaine conçue en 1860, représentant Saint-Michel terrassant le démon. Un arc de triomphe entouré de chimères ailées encadre cette scène rappelant la victoire du bien sur le mal. Elle est marquée par des colonnes corinthiennes en marbre rouge et par quatre statues de bronze représentant les vertus cardinales . C’est un peu sa mascotte cette fontaine, lui, un ange gardant une lumière au fond de son cœur malgré les attaques incessantes de ses démons.

 

Tout à ses pensées moroses. Il devrait pourtant être heureux, l'année vient de se terminer. Il a réussi ses examens et dans quelques mois, il deviendra interne en médecine. Pourtant, sa vie lui semble un affreux gâchis. Malgré lui, il se sent trop éprouvé pour être heureux, il n'a que 25 ans, mais il se voit déjà aigri et brisé par la vie.

Il traîne les pieds sur les vieux pavés de Paris, à la manière des forçats qui traînaient leurs chaînes quelques siècles plutôt, en ce lieu. Le bruit lancinant de ce frottement remonte à sa mémoire, un souvenir.

 

La ceinture de son père, glissa des passants de son jean, un chuintement annonçant l'horreur et la douleur.

 

Il a 14 ans. Il est rentré trop tard du collège. Il discute avec ses amis, de la coupe du monde de football. Les pronostics pour l'équipe de France sont bons alors. Il rêve avec eux d'être le futur Zidane, de dribler comme un pro, d'arrêter les buts à la manière de Barthez. Sébastien, surtout. Son pote de toujours. Toujours là dans les mauvais coups comme dans les bons, avec son humour déjà noir à l'époque. Il est l'un des meilleurs dans son équipe, déjà  repéré par des pros. Mais lui, l'ami de Sébastien, rêve aussi d'un grand avenir, sans vraiment d'espoir. Il ne croit pas que l'on puisse sortir de la misère où il est. Enfant trop vite grandi et déjà aigri. Alors quand il peut traîner avec ses potes, retardé le moment où il franchira la porte à la peinture bleue caillée, à la cage d'escalier à l'odeur d'urine, il le fait.

Ce soir-là, il a un léger sourire aux lèvres, Seb a toujours le bon mot pour dérider les gens, ses cabrioles imitant un grand joueur de foot, les a tous fait rire. Il voit encore son ami s'incliner devant le public imaginaire du Stade de France, après un but particulièrement difficile.

 

Il pousse la vieille porte sans même y prendre garde. Derrière ce trouve son père, un verre de Whisky à la main, qui l'apostrophe :

"Tony, où étais tu passé?"

Le gamin ouvre la bouche, n'a même pas le temps de répondre, de lui dire que pour une fois il se sent bien, peut-être même presque heureux. Il a juste le temps d’enfermer cette émotion dans une boîte qu’il pourra observer à loisirs par la suite.

 

Son père se lance dans sa diatribe très personnelle:

"Encore à traîner avec ces voyous! Mais que vas-tu donc devenir? Crois tu que c'est ainsi que l'on se fabrique un nom? En préparant des mauvais coups, en rêvassant à un avenir impossible. Mais prends donc exemple sur moi! La plomberie voilà ce qui fonctionne, tu entres dans toutes les maisons, même celles du XVI ème! Bah ouais faut bien que quelqu'un nettoie leur merde!Mais au moins t'as ton blé à chaque fin de mois et de quoi nourrir ta gonzesse et les rejetons. Comment vas-tu comprendre que c'est pas en restant le nez collé à tes bouquins que tu auras un vrai métier? Tu crois que c'est de savoir ton anatomie par cœur et quelle fleur les abeilles préfèrent bouffer que tu vas gagner des tunes? »

 

Tony ose entrouvrir ses lèvres, prépare sa réponse et murmure d'une voix craintive et rapide:

"Mais papa, je veux un vrai métier, moi!"

C'est la phrase de trop, le Père éructe:

"Un vrai métier?? Un vrai métier? Et c'est quoi ce que je fou toute la putain de journée ? Tu te crois si malin que tu sais mieux que ton père? T'as pas bien compris encore je crois."

 

Là, l'enfant voit avec horreur, son père détacher son ceinturon, ses grosses mains de travailleur, craquelées par endroit à force de connaître l'humidité. Ses mains d'ours qui s'abattent parfois comme des battoirs sur lui. Il le voit retirer lentement la ceinture de son vieux jean devenu gris à force d'usure, l'attraper par le ceinturon, et s'approcher.

"Enlève-moi ce pull que je te montre qui sait ce qu'il faut pour toi, dans cette baraque!"

Tony, qui se croyait tétanisé, enlève lentement son pull, retirant sa manche gauche, se préparant autant que possible aux coups. Son père l'attrape alors violement par le col, l'étranglant à demi.

"Crois pas qu'en prenant ton temps, t'échapperas à ta punition, y'a qu'ça qu'tu comprennes"

 

Le pull disparaît, laissant une trace violette sur le cou de Tony. Ce dernier à quatre pattes, toussant encore de la pression sur sa gorge, reçoit les premiers coups de ceinturon. Il retient ses cris. Il sait que plus il criera, plus il en recevra. Il ferme ses paupières fort, fort, fort pour ne pas pleurer, pour ne rien montrer. Puis, il se dit que cela va bientôt finir quand il entend confusément, sa mère crier:

"Jean! Arrêtes!...Putain tu vas finir par tuer ce gosse!"

Il sent un dernier coup, sont père se retourner vers l'importune et il s'évanoui.

Anthony secoue la tête. Il ne veut pas s'en rappeler d'avantage. C'est déjà trop. Pourquoi faut-il que ces souvenirs lui reviennent toujours aux moments les plus inattendus. Mais celui-là, il le connaît bien, les événements qui se sont enchaînés, ont bouleversé sa vie et il ne peut l'oublier. Ses jambes tremblent. Il préfère s'asseoir sur le bord de la fontaine. Souffle, respire comme il l'a appris bien plus tard. Une inspiration profonde par le nez, pour faire descendre l'air dans son ventre, gonflant sa cage thoracique, puis ses clavicules. lentement, au rythme de l'air doux et apaisant. Puis une expiration par la bouche, dégonflant son ventre, ses poumons et enfin, le haut de sa poitrine. Il répète cet exercice pendant plusieurs minutes, sentant ses muscles se décontracter, par ceux de son visage, de son cou, de ses épaules, de ses bras et, comme souvent le reste du corps suit.

 

Il ouvre les yeux. Les gens le regardent mais cela lui importe peu. Quand il fait cet exercice, il est déconnecté de la réalité et met quelques temps à retrouver ses repères. Mais au moins, il est plus détendu, pas vraiment serein, mais c'est toujours un peu de gagner. Il examine son reflet dans l'eau de la fontaine, des cheveux noirs, bouclés sur le haut de son crâne, les cotés plus court et coiffés en arrière, des yeux verts qui lui ont valu moqueries et admiration. "Yeux verts, yeux de vipères!!" Disaient les camarades. Il observe sa peau d'un brun clair et mat, dû au métissage parental. Cela le rassure de se regarder. Il se reconnaît, lui, Anthony Duprès, 25 ans. Cette image physique c’est son identité peut-être même la seule, parce que sans cesse il cherche celui qui se cache derrière ces yeux sans jamais le trouver.

 

Un peu mieux dans son corps et dans son cœur, il se lève, s'époussette, tic qui le prend souvent et entreprend de retourner vers sa petite chambre de bonne, miteuse, à l'image de son enfance et de sa vie.

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9 février 2012 4 09 /02 /février /2012 10:34

Melissa va fêter ses 18 ans. Elle vient de finir les épreuves du BAC Scientifique. Tout semble la conduire à la réussite. Elle est seule devant sont lycée gris, entourée d’immeubles gris, ocre datant des années d’après guerre. Tout respire la pauvreté et la morosité. Le ciel semble participer à la tristesse ambiante, un gris neutre, une chaleur légèrement étouffante, il fait bon en ce mois de juin.


Elle regarde de ses yeux clairs, la route qui passe devant le lycée, grise aussi, anthracite peut-être ; les pauvres herbes éparses qui poussent jaunâtres  sur le trottoir d’en face. Elle remarque l’absence de fleurs. Ces fleurs qu’elle aime tant. Les roses surtout ! C’est classique, elle le sait. Dommage, elle aimerait être plus originale pour une jeune fille qui cherche à se forger. Pourtant, elles sont belles ces roses, de toutes les teintes de l’arc-en-ciel…Enfin presque. Elle préfère celles aux nuances de violet et les pourpres, rouge sang, couleur de vie.


Elle se retourne. Elle voit son reflet dans la vitre de l’abri bus. Pas mal. Enfin, elle se dit pour se rassurer qu’il y a pire qu’elle. Cheveux châtains, long, très longs. Elle en est fière. Ils lui arrivent aux reins. Elle en a mis du temps pour leur donner cette longueur et cette texture soyeuse. Elle regarde ses yeux, c’est sont petit trésor, des yeux bleus-gris qui laissent transparaître une pointe de violet lorsque le temps est au beau. Des pommettes hautes. Elle les doit à sa mère, d’origine autrichienne et slave. Une taille fine, grâce au régime yaourt et fruits. Et….c’est tout. Elle n’est pas très grande et ne se trouve rien de spéciale.


Après cet examen, elle soupire et s’assoit sur le banc poussiéreux de l’abri pour attendre sa mère. Elle écoute le silence. Cherche le souffle doux d’un vent qui lui murmure ses rêves et emporte ses prières. Elle se sent vide et étrangère à elle-même. Les épreuves sont terminées. Plus de révisions, plus d’heures de travail acharnées en perspective. Que va-t-elle faire, en attendant la rentée scolaire? Ah, non ce n’est plus ça mais une rentrée Universitaire…elle rit nerveusement en sentant des émotions douloureuses effleurer ses pensées.  Elle aimerait parfois ne pas réfléchir, ne rien entendre de son cœur qui s’agite, mais aujourd’hui, elle ne peut fuir. Elle repense à ces années lycées. Mélange bons et mauvais souvenirs comme un film en avance rapide, et observe tel un spectateur impuissant ce qu’elle voit comme une ruine encore fumante de douleurs, d’échecs, d’angoisses, de trahisons et de rancœurs. Elle s’encourage en se répétant,  « j’ai passé mon BAC, j’ai passé mon BAC, j’ai passé mon BAC… ». Cela ne fonctionne qu’à demi. Elle tend l’oreille, peut-être le Vent la guidera. Le Silence est total. Cette absence pesante la tourne vers son  avenir et son passé. Tout devient flou, jusqu’à ce qu’elle réalise être à un tournant de sa vie. Il va lui falloir tourner une page. Tourner une page ou fermer un livre ?


Elle se sent à une charnière de sa vie. Elle part à l’Université, au cœur de ses rêves, de ses curiosités et besoins de nouvelles connaissances. Mais…Elle n’est pas prête, si petite dans son cœur, si fragile, comme ces fleurs qu’elle aime tant. Elle a peur de devenir adulte, d’assumer ce que cela implique. Perdre son innocence ? Se fermer au rire vrai ? À la joie ? Peur de ne pas être forte.


Elle se souvient de sa petite main tenant le petit doigt de son père lors de ballades. Une main si grande, si forte, rêche de travail et d’effort. Elle aimait cette main, qui la tenait, appartenant à un papa, tuant les méchants, protégeant sa fille. Elle voit sa mère sortant toujours un nouveau gâteau du four, embaumant la cuisine. Une maman soignant les égratignures avec un pansement et un bisou.


Elle soupire de nouveau. Elle va quitter le cocon familial. C’est comme partir à l’aventure et cela la remplit de joie. Mais c’est aussi se jeter dans le vide, courir les bras ouverts vers l’inconnu. Elle a peur. Elle sent sa mâchoire se crisper, ses muscles se contracter, à faire mal. Elle n’est plus sûre de vouloir obtenir ce diplôme. Elle aimerait rester cette charmante enfant que l’on dit si sage, si gentille, au regard bleu, si doux. Pourtant, elle sait que la jeune fille au même regard, bouillonne de vie, d’amour, d’espoir, de rêves ; de colère aussi.

Est-ce normal de se sentir si mûre et si jeune ? Est-ce….

« Melissa ?!... »


Elle regarde la voiture arrêtée, contemple sa mère, détachée, insensible. Elle soupire encore, un long soupir tout en douceur. Elle est comme ça, elle ne se fait pas remarquer. Elle chasse ses sombres pensées d’un geste vif de la main et, avance d’un pas hésitant vers la Ford familiale.

 

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9 février 2012 4 09 /02 /février /2012 10:23

Bonjour à tous,

A ceux dont le chemin s'égarerait dans les méandres du Web pour atteindre mon blog. 

Depuis que je sais lire, j'ai toujours aimé les livres. Ils représentent une source inépuisable de connaissances . Que nous cherchions en Philosophie, en Sciences, en Art...

Toutefois, mes prédilections se situent dans les romans. En premier lieu, ils m'ont permis de m'évader, de rêver à d'autres vies qui me semblaient plus passionnantes, plus heureuses et vivantes mais surtout ces romans m'ont permis de garder espoir.


Ils m'ont permis de croire que l'humanité n'était pas toujours si mauvaise que nous pouvions gagner à aimer les autres.


Et c'est cela justement, outre le rêve, Ces romans m'ont permis de me familiariser avec la nature humaine si complexe.

Au travers des écrivains qui laissent toujours un peu d'eux-même dans leurs livres.

Au travers des personnages dont les personnalités et les sentiments sont travaillés. 


Les romans permettent également de se découvrir soit-même, en se découvrant des similarités avec un personnage, en nous poussant à nous poser des questions sur notre propre vie.

C'est un peu ces choses là que je voudrais vous transmettre : mon amour de la littérature mais aussi l'espoir que vous pouvez être heureux, en apprenant à comprendre les autres et avant tout vous-même.

 

Ainsi, vous trouverez dès aujourd'hui, un roman que j'ai commencé à écrire. Je mettrais régulièrement un chapître ou un paragraphe.

 

Cynthia.

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Présentation

  • : Cet air conte une histoire
  • : C'est l'histoire d'une vie de toutes les couleurs. C'est l'histoire d'un amour de douleur. C'est le temps de quelques joies et bonheur. C'est le temps de quelques hésitations et terreurs.
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  • Cynthia
  • J'ai toujours aimé découvrir de nouvelles histoires, l'espoir, la philosophie et les connaissances qui se cachaient derrière de simples romans. Alors, à mon tour, je souhaite vous faire découvrir la magie du Verbe, la magie des mots.
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